Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un Danois en France
18 juin 2018

La dette publique

La résurgence du souci de l’inflation à partir de la fin des années 1960 conduit à la remise en cause d’un système de financement qui s’en accommode comme de la « part mau- dite » de son objectif de croissance. Cette orthodoxie moné- taire n’a toutefois pas d’existence sui generis, mais s’incarne dans des pans particuliers de l’État et des individus. La lutte entre partisans et détracteurs du « circuit du Trésor » met ainsi aux prises les ministères « dépensiers » et le Commissariat Général au Plan, d’un côté, et de l’autre, la direction du Trésor et la Banque de France ; de même qu’elle oppose de fait François Bloch-Lainé à Antoine Pinay, Jacques Rueff et, plus tard, Valéry Giscard d’Estaing. Pour les critiques du système alors en vigueur, son remplacement par des méca- nismes marchands permettrait de faire triompher la vérité des prix, de prendre en conséquence la mesure du coût effectif du financement public et, finalement, d’inculquer une saine discipline. Cette transformation s’appuie, d’une part, sur l’apparition de techniques de mise en marché, telle l’adjudi- cation et, d’autre part, sur la promotion de certaines formes de classification des opérations de financement comme la distinction entre financement monétaire et non-monétaire qui permet de justifier le recours au marché comme modalité de canalisation d’une épargne préexistante tandis que le « circuit du Trésor » participerait inévitablement d’une création moné- taire par définition inflationniste. Ces conflits s’apparentent dans une large mesure à des luttes de définition autour de ce que seraient les pratiques légitimes, i.e. « modernes », et illégitimes, ou « archaïques », de financement de l’État. La primauté donnée aux marchés obligataires justifie la mise en place à partir des années  1970 d’un environnement régle- mentaire et économique favorable à leur épanouissement. Les mesures conduites dans ce cadre renforcent les choix anté- rieurs : alors que la mise en place des marchés obligataires est présentée comme « le » moyen de parvenir à un financement non-inflationniste de l’État, leur mise en place rend l’engage- ment à enrayer l’inflation plus impérieux encore. Ce mouve- ment n’est pas sans susciter de conflits entre les promoteurs des marchés obligataires (comme la direction du Trésor) et les défenseurs des ressources fiscales (comme la direction du Budget). Entamée à la fin des années  1960, l’entreprise de naturalisation du projet de mise en marché d’une dette obliga- taire s’achève au début des années 1980 : elle ne se présente plus alors comme le résultat d’événements contingents mais comme une nécessité technique. Problème technique appe- lant des solutions techniques, question économique plutôt que politique, la mise en marché de la dette publique est mise en forme et partiellement autonomisée de l’administration.

Publicité
Publicité
Commentaires
Un Danois en France
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 034
Publicité